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Entzheim au temps de Napoléon et sous la période allemande

Après la Révolution, la période napoléonienne de 1800 à 1815 a permis au pays de connaitre une certaine prospérité. Entzheim n’y a pas échappé malgré les conséquences des guerres menées par l’Empereur Napoléon Ier. Il réforme en profondeur l’Etat et la société et porte le territoire français à son extension maximum avec 134 départements en 1812.

Le village au début du 19ème siècle

En 1800, lors du 1er recensement général de la population, Entzheim compte 547 habitants pour la plupart paysans et 120 enfants fréquentent l’école. Des cultures diversifiées permettent de subvenir aux besoins : céréales, pommes de terre, betteraves, tabac, luzerne, chanvre avec ses rouissoirs (pour séparer les fibres textiles) et la vigne sur une superficie de 13 ha sur les 817 ha du banc communal. Tous les jours, la cloche matinale appelle la population aux travaux quotidiens.

De 1774 à 1873, un relais de poste avec 12 chevaux fonctionne à Entzheim (cf. article dans BM 2011). En 1809, l’administration des Postes aux Chevaux délivre le brevet de Maître de Poste (Postmeister) au Sieur Jacques Freiss « à charge pour lui, à peine de révocation, d’avoir le nombre de postillons, chevaux et équipages prescrits pour le service de ce relais ».

Lors du recensement suivant en 1819, la population a fortement augmenté : 687 habitants répartis en 113 « feux » (foyers) dont 195 hommes, 147 femmes, 176 garçons et 169 filles. En outre, 49 valets et 25 servantes sont dénombrés.

Bonaparte à Strasbourg

Peu avant la Révolution, le lieutenant Napoléon Bonaparte a séjourné à Strasbourg pour suivre des cours de philosophie à l’Université protestante. Parmi les étudiants, il croise un jeune théologien, Louis Grucker qui a été pasteur de 1809 à 1835 à Entzheim où il a été enterré après avoir rédigé son autobiographie « Meine Lebensreise » (le voyage de ma vie).

Il y relate qu’un après-midi de semaine d’été, à la fin de la leçon du professeur Lorentz, il avait tellement de fourmis dans le pied qu’il ne pouvait plus s’en aller et que la même aventure survint aussi à un autre étudiant lequel n’était autre que « Buonaparte Napoléon ».

Le « droit de passe » sur les routes

Les routes étant de moins en moins praticables après la Révolution, le passage incessant des armées les ayant fortement détériorées, le Directoire décide en 1798 la mise en place à intervalles réguliers de « barrières du droit de passe ». Ce sont des péages pour percevoir la taxe d’entretien des grandes routes « s’appliquant à tous les usagers, voitures suspendues ou non, chevaux, mulets tirés par un homme, bêtes de somme… ».

Une carte des Ponts et Chaussées indique l’emplacement des 1033 barrières réparties sur le territoire dont 22 dans le Bas-Rhin. Une barrière de péage était installée à la sortie d’Entzheim où se réunissent les routes en provenance de Barr et de Schirmeck vers Strasbourg.

L’imprécision des textes de loi entraînant partout des réclamations, en 1800, le Consulat modifie le système qui est finalement supprimé sous l’Empire en 1807.

La conscription

La conscription (Musterung) ou service militaire obligatoire est institué en 1798 par la loi Jourdan. A l’origine, tous les hommes de 20 à 25 ans recensés par les communes devaient effectuer un service militaire de 5 ans. Mais chaque appelé tirait un numéro qui pouvait le dispenser des obligations militaires. Sinon, il était toujours possible « d’acheter un remplaçant » à condition d’en avoir les moyens. Pour le canton, le conseil de révision se tenait à Geispolsheim chargé de recruter au moins 60 soldats chaque année.

Cependant, pour les besoins des guerres napoléoniennes menées à travers toute l’Europe, les levées obligatoires et supplémentaires se multiplient. Les certificats médicaux ne sont plus admis pour les demandes d’exemption. Seuls les fils uniques de veuves (de plus de 71 ans à partir de 1814) sont dispensés.

Les listes du contingent conservées aux Archives Départementales récapitulent la situation et la destination des jeunes entzheimois par classe d’âge.

Beaucoup se sont distingués dans la « Grande Armée ». A posteriori, la médaille de Sainte Hélène a été décernée à l’ouvrier d’artillerie André Busch, au maitre-ouvrier Jean Jacques Hetzel, au hussard Laurent Meyer et au soldat Thiébaud Schneider.2

Les bancs-reposoirs

Pour célébrer le baptême du fils de Napoléon et de l’Impératrice Marie-Louise en juin 1811, Adrien de Lezay-Marnézia, surnommé « le préfet laboureur », ordonne aux Maires du Bas-Rhin « d’installer de demi-lieue en demi-lieue (2 km) aux frais des communes des reposoirs le long des routes et chemins pour la facilité des voyageurs et des cultivateurs qui portent des fardeaux ».

Appelés également « bancs du roi de Rome », 125 bancs en grès des Vosges avaient déjà été édifiés début 1812 dans le seul arrondissement de Strasbourg-Campagne ce qui témoigne du dévouement de la population au régime impérial. Comme les communes voisines, Entzheim avait construit une « Ruhebank » qui était située à hauteur du virage sur la route de Geispolsheim, entourée d’arbres pour former ombrage.
En raison de ce succès, des « bancs de l’Impératrice Eugénie » seront érigés en 1854 sous le Second Empire pour le cinquantenaire du couronnement de Napoléon Ier et l’anniversaire de mariage de Napoléon III.

Faute d’entretien et d’intérêt historique, beaucoup de ces petits monuments napoléoniens ont disparu.

Le passage des troupes

Après les passages de la Grande Armée pour mener la guerre à travers toute l’Europe, c’est au tour de l’Alsace de subir à partir de 1813 la présence des troupes étrangères dénommées « les Alliés ». De nombreux soldats sont cantonnés dans les environs de Strasbourg. L’armée d’occupation exige d’être fournie en nourriture pour les hommes et les chevaux. En outre, un lourd impôt de guerre est levé (8594 livres pour notre commune). De mauvaises récoltes aggravent la situation et les prix ne cessent de grimper.

Des requêtes successives du Conseil Municipal visent à réduire le tribut que notre commune devait aux Alliés essentiellement sous forme de fourrage, nourriture, de réquisitions diverses et de corvées.

Ce n’est qu’en 1818, soit bien après le traité de Paris de 1815 scellant l’abdication de Napoléon et son départ à Sainte Hélène, que les troupes coalisées quitteront l’Alsace. Un risque d’annexion à l’Allemagne était patent !

Les guerres s’étant déroulées pour l’essentiel hors des frontières, la relative stabilité de la période a favorisé le développement d’Entzheim. Après la chute de l’Empire et le retour des soldats, il s’est formé peu à peu la « légende napoléonienne » qui perdure jusqu’à nos jours.

Pierre Friedrichs – Conseiller Municipal

  • Parmi les ouvrages consultés : Histoire d’Entzheim de Willy Guggenbuhl 1937 – L’Alsace napoléonienne de Claude Muller – Journal de l’Alsace de Bernard Vogler – Cette histoire qui a fait l’Alsace de Marie-Thérèse Fischer.

Entzheim sous la période allemande

Après le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale en 2018, il m’a paru opportun de revenir sur cette période et sur celle plutôt méconnue qui l’a précédée. En tout, quarante-huit années où l’Alsace-Lorraine et donc Entzheim ont connu beaucoup de changements.

La guerre franco-allemande de 1870-71

Sous le second Empire, Napoléon III modernise le pays et la population s’enrichit. Mais, de peur d’un encerclement germanique de la France, la guerre franco-allemande éclate le 19 juillet 1870 à l’instigation de l’empereur. Après les cinglantes défaites de Wissembourg et de Woerth-Frœschwiller, le conflit se déplace à Strasbourg. La ville étant insuffisamment protégée par ses fortifications construites par Vauban à la suite de l’annexion à la France en 1681, après d’incessants bombardements, le siège s’achève par la capitulation signée le 28 septembre 1870 à Koenigshoffen.

Sous les ordres du Général prussien De Werder, 60000 hommes cernent Strasbourg en se répartissant dans les communes environnantes. Un régiment de dragons est stationné à proximité d’Entzheim pour surveiller les accès en provenance du sud de l’Alsace. Les bombardements intensifs de Strasbourg parviennent à casser toutes les vitres jusqu’à Entzheim. La loi martiale ayant été proclamée, il est interdit de quitter le village sans laisser-passer et les cloches ne peuvent plus retentir même lors des enterrements.

Après la capitulation de la ville, il a fallu héberger et nourrir les troupes stationnées dans le secteur. Les réquisitions concernaient aussi bien les personnes que les animaux ainsi que les charrettes pour transporter les gabions (cylindres remplis de terre pour les abris) et les fustines (fagots serrés). Lorsque les soldats n’étaient pas convenablement entretenus, un lourd impôt de guerre était exigé de la population.

Le sacrifice de Helmstetter


Fils de Frédéric Helmstetter, pasteur à Entzheim de 1849 à 1897, le jeune Emile Fernand, lieutenant d’artillerie dans la Garde nationale, est l’unique victime recensée dans la commune. Pendant le siège de Strasbourg, après avoir fait tirer une dizaine de coups de canon des remparts de la ville, il est gravement blessé par un obus prussien et meurt pour la France le 21 septembre 1870 à 20 ans. Ses dernières paroles furent pour ses parents : « Mon pauvre père ! Ma pauvre mère ! ». Enterré à Entzheim, la tombe mentionnée sur un plan du Souvenir Français a disparu au fil du temps. Très affecté par ce décès, le pasteur restera toujours un fervent opposant à l’occupation allemande. C’est sous son ministère, avec l’aide du Maire Jacques Freysz, que le presbytère d’Entzheim a été construit en 1861.

La période allemande


La guerre s’achève par la signature du traité de Frankfort le 10 mai 1871. Il concrétise l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Moselle à l’empire allemand qui deviennent le « Reichsland Elsass-Lothringen » (Terre d’Empire Alsace-Lorraine) dont Strasbourg est la capitale.
Le chancelier Bismark décide l’agrandissement de Strasbourg (quartier impérial de la « Neustadt » autour de la place de la République) et, estimant que la France ne pourra se résoudre à accepter la perte de ces territoires, fait construire entre 1872 et 1887 une ceinture de 19 forts à quelques kilomètres de la ville.

Ces édifices imposants ont en grande partie été conservés, certains sont même ouverts au public. La « piste des forts » permet de découvrir ces fortifications en vélo. A proximité de ces ouvrages près de Lingolsheim et d’Holtzheim, il existe toujours trois casemates isolées (abris bétonnés servant d’avant-poste) entre la route D 400 et le lieu-dit Blueth) cf. points rouges au bas de la carte.
Aucun habitant d’Entzheim n’a exercé le « droit d’option » prévu par le traité de Frankfort qui a permis à 130000 Alsaciens de quitter librement le territoire occupé pour s’installer en France. Après le 1er octobre 1872, la nationalité allemande a été appliquée de plein droit à tous. La population est restée stable : 702 habitants en 1876, 720 en 1911. Peu de travaux ont été menés par la Commune durant cette période.

La 1ère guerre mondiale de 1914 à 1918


L’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août 1914. Aussitôt, l’ordre de mobilisation est proclamé : dans l’armée territoriale (Landsturm) puis dans l’armée régulière à partir de novembre 1914. Il concerne les hommes de 17 à 42 ans.

Les combats les plus proches ont lieu le 18 août 1914 près de Mutzig où se trouve la plus importante forteresse allemande (« Feste Kaiser Wilhelm II »). Une batterie pour obusiers à canon court est installée près d’Entzheim en octobre 1915.

Comme toutes les communes, Entzheim doit participer à l’effort de guerre. Dès 1914, une partie des récoltes, des chevaux et des véhicules sont réquisitionnés. Des cartes de rationnement alimentaires sont établies. La souscription aux emprunts de guerre successifs (Kriegsanleihe) devient quasiment obligatoire tant pour la Municipalité que pour les habitants. On ne doit plus faire sonner les cloches sauf en cas de victoire allemande. A partir de 1917, celles-ci sont réquisitionnées ce qui rend les autorités allemandes très impopulaires. Toute personne qui entre en contact avec un soldat français est fusillée.

Les listes des contingents d’Entzheim sont conservées aux Archives Départementales. La destination de chaque soldat y est indiquée : Roumanie, Galicie, Somme, Ypres, Champagne, front russe à partir de 1915. Les prisonniers de guerre démobilisés ne sont de retour qu’à partir de 1919.

C’est en 1915 que Charles Raissle, le dernier veilleur de nuit (Dorfwächter), a cessé ses fonctions.

Le retour à la France


Pour la plupart, les Alsaciens-Mosellans étant restés très mécontents de la présence allemande, avaient placé tous leurs espoirs dans le retour à la « mère-patrie ».

Après l’Armistice jusqu’à la signature du traité de Versailles le 24 juin 1919, quatre catégories de cartes d’identités provisoires classées de A à D sont attribuées par les Mairies selon l’origine de la population. Parallèlement, des « commissions de triage » sont mises en place par l’Administration. Celles-ci contraignent les Allemands immigrés depuis 1871 (appelés les « vieux Allemands ») et les Alsaciens soupçonnés de collaboration à quitter le territoire fin 1919 au plus tard ; leurs biens étant placés sous séquestre. A partir de 1920, dans chaque commune, un « registre de réintégration » a permis aux Alsaciens et Mosellans d’obtenir des certificats prouvant de plein droit leur nationalité française retrouvée.

Bien qu’en 1918 l’Alsace se trouvait à l’écart des zones de combat, les années d’après-guerre ont été difficiles : pénurie de vivres, administration quasi inexistante, grèves… Cependant, le remplacement progressif des quelques 1800 cloches fondues au profit de l’industrie de guerre marque dans la joie le retour à la patrie.

Le monument aux morts

Le monument aux morts avec un ange pacificateur en demi-relief, a été inauguré le dimanche 21 novembre 1921 (Totensonntag) en présence du maire Guillaume Freysz et du pasteur Louis Will qui bénit le monument. Les noms des 21 morts de la guerre 1914-18 sont gravés sur l’arrière. Restauré après profanation par les nazis durant la guerre 1939-45, il a été ré-inauguré en 1948. En 2003, sa rénovation et son repositionnement ont permis de le mettre mieux en valeur.

Les traces de la période allemande restent très présentes en Alsace. Parmi celles-ci, les bâtiments remarquables du quartier impérial de Strasbourg et bon nombre de lois et d’avantages sociaux et autres, y compris ceux relevant du Concordat de 1801, qui ont pu être conservés après le retour à la France jusqu’à nos jours (droit local).

Pierre Friedrichs – Conseiller Municipal

  • Parmi les ouvrages consultés : Histoire d’Entzheim de Willy Guggenbuhl 1937 – L’Alsace au temps du Reichsland par Gabriel Braeuner – Journal de l’Alsace de Bernard Vogler – Cette histoire qui a fait l’Alsace tome 11 de Marie-Thérèse Fischer.