Centenaire de l’aéroport en 2023 et le grand prix de France et Bugatti

Pour marquer cet évènement, l’aéroport de Strasbourg-Entzheim a proposé aux internautes un jeu-concours pour faire part de leur vécu. Les meilleures participations ont été récompensées par des billets d’avion.
Un diaporama relatant son histoire a également été mis en ligne sur le site www.strasbourg.aeroport.fr.
Pourquoi un aérodrome à Entzheim ?
Au début du siècle dernier, le développement rapide des vols d’aéronefs ne permettait plus au seul terrain existant au Polygone à Strasbourg-Neuhof à vocation militaire d’assurer les vols civils. Il s’est alors très vite posé la question de trouver un nouveau lieu. En raison de sa proximité de Strasbourg et de la configuration du terrain, le choix s’est porté sur Entzheim.
A sa mise en service en février 1923, l’aérodrome d’Entzheim n’était qu’une bande d’envol gazonnée sous forme de quadrilatère de 900 mètres sur 750. Peu à peu, son emprise s’est agrandie pour occuper jusqu’à 285 ha sur les 834 du ban communal.
Des dates marquantes et des temps forts…
Dès 1925, les vols de nuit sont possibles grâce à l’installation d’une station météorologique, d’un émetteur T.S.F et de quelques hangars. Après des agrandissements successifs, il a été utilisé par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale puis par les Alliés. De 1959 à 1994, il a partagé ses installations avec la base aérienne 124 dont de nombreux militaires et de personnels civils ont résidé à Entzheim. La nouvelle tour de contrôle date de 2018.
Cet aéroport a été le théâtre de beaucoup d’évènements marquants, comme la venue du général de Gaulle en 1959, le premier vol supersonique en 1967, le premier atterrissage du Concorde le 28 mai 1981, la visite du pape Jean-Paul II en 2008, l’atterrissage d’Air Force One lors du sommet de l’OTAN en 2009 ou encore le passage de la Patrouille de France en 2015.
Et aujourd’hui ?
Notre aéroport qui a accueilli jusqu’à 1,3 million de passagers en 2019 (avant la crise sanitaire) propose des vols vers une trentaine de destinations opérées par une douzaine de compagnies. Il dispose d’une piste de 2900 mètres et d’un terminal unique avec six passerelles d’embarquement. Depuis l’inauguration en 2008 de la gare multimodale Entzheim-Aéroport, il est relié 4 à 5 fois par heure au centre-ville de Strasbourg en environ 8 minutes.
Plusieurs travaux d’amélioration ont été réalisés en 2023 dont la rénovation de la piste et des bretelles d’accès. Pour renforcer l’attractivité de la plateforme, ces travaux se poursuivront jusqu’en 2026 en prenant en compte les impératifs actuels en termes d’environnement, de qualité et de sécurité.
La renommée d’Entzheim résulte pour une bonne partie de la présence de son aéroport. Malgré quelques intermèdes difficiles, son développement a été continu depuis 100 ans pour devenir un important aéroport civil français. Comme par le passé, son destin restera étroitement associé à celui de notre commune.
Pierre Friedrichs – Conseiller municipal
- Parmi les documents consultés : Revue « La vie en Alsace » n° 9 de 1937 – Histoire de la BA 124 – Diaporama historique sur le site de l’aéroport – Article historique complet dans le bulletin municipal n° 26 de 2014 « Entzheim et les avions »
Le Grand prix de France et Bugatti à Entzheim
Le 15 juillet 2022, pour le 100ème anniversaire du Grand Prix de France de vitesse organisé par l’Automobile Club de France (A.C.F.), nous avons été très nombreux à admirer les automobiles et motos anciennes qui ont défilé sur le tracé du circuit de l’époque. L’occasion de revenir sur cet évènement marquant qui n’est pas près de tomber dans l’oubli.
Outre les atouts géographiques de l’emplacement, le choix du « circuit de Strasbourg » a revêtu un côté symbolique important car il représentait une manière de célébrer le retour de l’Alsace-Lorraine à la France après presque un demi-siècle de domination allemande et au sortir de la Première Guerre Mondiale.
Pendant la « Grande semaine sportive de Strasbourg », un Grand Prix motocycliste en catégories 250, 350 et 500 cc a eu lieu le 12 juillet suivi le 15 par l’épreuve la plus attendue : le Grand Prix de vitesse. Pour terminer, le premier Grand Prix des voitures de tourisme préfigurant les premières 24 Heures du Mans en 1923 a été couru le 16 juillet. Tout un programme d’attractions, de moments festifs et de parcours de découverte de l’Alsace ont été organisés tant à Strasbourg que dans les environs.
Pour la première fois au monde, la course réservée aux voitures de tourisme qui devaient obligatoirement avoir 4 places et être « d’usage courant », prévoyait un « critérium de consommation » basé sur la mesure de la quantité d’essence restante dans le réservoir à l’arrivée. Elle a été remportée par Henri Rougier sur une Voisin.
Un circuit périlleux
Le départ du circuit de 13,380 km en forme de triangle est donné à Duppigheim devant 20000 spectateurs installés sur une impressionnante barre de tribunes (478 m) en face des stands d’où les voitures s’élancent pour la première fois toutes ensemble dans l’histoire du sport automobile et non plus à intervalles chronométrés.
Après 2 km en pleine accélération, à l’entrée d’Entzheim, se présente un premier virage très difficile en épingle à cheveux (situé à l’emplacement du giratoire actuel vers Duppigheim – voir photo en 2ème page). Son revêtement en petits pavés est posé sur une base cimentée. Il oblige les pilotes à ralentir brusquement et à négocier un virage serré à droite, avant de reprendre de la vitesse sur une longue ligne droite de 6 kilomètres jusqu’au tournant d’Innenheim.
Le dernier virage à angle droit, le plus difficile, se situe à l’entrée de Duttlenheim avant de revenir devant les tribunes à partir desquelles les nombreux spectateurs ont pu suivre de loin presque toutes les péripéties de la course. Au total, le public a été estimé à plus de cent mille personnes tout le long du circuit.
Les bolides en présence
Leur cylindrée ne devait pas dépasser deux litres et leur poids limité à 650 kg. Installée à Molsheim depuis 1909, la marque BUGATTI aligne quatre voitures type 30 dont deux finissent classées. Elles sont équipées du premier moteur 8 cylindres en ligne et de freins hydrauliques à l’avant. S’il y a une compétition qu’Ettore Bugatti a voulu absolument gagner, c’est bien ce Grand Prix à quelques kilomètres du siège de son usine à Molsheim. FIAT avait adopté des moteurs 6 cylindres de 100 CV et des 4 cylindres pour les autres.
L’équipe FIAT était la seule basée à Entzheim chez un marchand de vins à l’emplacement de l’actuel square Vogel. Dans la cour, on peut voir le coureur Pietro Bordino au volant d’une FIAT 804. Les marques SUNBEAM et BALLOT étaient basées à Blaesheim.
Grand prix de France et Bugatti à Entzheim
Une course mouvementée
L’épreuve phare s’est déroulée en 60 tours durant un peu plus de 6 heures sur un circuit fermé en 803 km. Avec 18 bolides au départ, elle a regroupé trois nationalités de constructeurs renommés : rouge pour l’Italie (Fiat), vert pour l’Angleterre (Aston Martin, Sunbeam) et bleu pour la France (Bugatti, Ballot, Rolland-Pilain). La course s’est beaucoup jouée sur l’endurance des pilotes mais la résistance mécanique sera le facteur décisif. Chaque équipage était composé du pilote accompagné d’un mécanicien. Ils étaient les seuls à pouvoir intervenir durant la course (changements de roue…) sous peine de disqualification. Au premier virage, la très redoutée épingle d’Entzheim, le peloton est encore groupé, mais Felice Nazzaro passera rapidement devant tout le monde et dès le 10ème tour, les trois voitures rouges caracolent en tête. Rapidement, les abandons se succèdent. Avant qu’il ne perde une roue, Pietro Bordino a porté le record du tour à 141,21 km/h. Ce fut une lutte sans merci pour le prestige de ces deux grands constructeurs que sont Bugatti et Fiat.
A huit tours de l’arrivée, le neveu du vainqueur Biagio Nazarro, également sur FIAT, a un accident mortel entre Entzheim et Innenheim et son mécanicien est gravement blessé. Une stèle marque toujours l’emplacement de ce tragique évènement. Quinze voitures durent abandonner principalement pour casse du moteur.
Avec une moyenne de 127 km/h, le vainqueur Felice Nazzaro sur Fiat 804 a appris la mort de Biagio à l’arrivée. En tout, seules trois voitures ont terminé la course : 2ème : Pierre De Viscaya Bugatti Type 30), 3ème : Pierre Marco (Bugatti Type 30).
Le tracé du « circuit de Strasbourg » sera utilisé une dernière fois en mai 1926 pour le Grand Prix d’Alsace de vitesse pour motos et automobiles. Des Bugatti type 35 « Grand Prix » ont remporté les trois premières places.
Commémoration du centenaire
Les 16 et 17 juillet 2022, l’association des Amis du Centenaire du GP ACF de Strasbourg (AMISCENT) avec l’aide d’autres associations qui se consacrent aux véhicules anciens ont organisé un évènement festif exceptionnel qui a connu un énorme succès populaire en proposant de nombreuses animations dans les communes traversées par le circuit de l’époque : défilé de voitures et de motos anciennes, expositions, tenues d’époque, concerts et feux d’artifice. Une occasion rare d’admirer et d’entendre les 200 voitures et des motocyclettes anciennes parfaitement restaurées par leurs chanceux propriétaires.
Cet évènement unique a permis de faire perdurer la mémoire du Grand Prix de France ACF organisé dans la région. Il témoigne également des progrès techniques réalisés et du grand courage des pilotes de l’époque.
En 2023, des panneaux d’information à la mémoire du GP ACF 1922 ont été installés en des endroits bien visibles sur le tracé de l’ancien circuit désormais appelé « Chemin de la Mémoire » dans chacune des localités traversées.
Une stèle à la mémoire de JEAN BUGATTI
Le 11 août 1939 à 21 heures, Jean Bugatti, le fils d’Ettore Bugatti, fondateur de la célèbre marque en 1909, se tue sur une portion de la ligne droite du circuit du GP reliant Duppigheim à Entzheim fréquemment utilisée pour ses essais de voitures de course en raison de sa proximité de l’usine (dans le prolongement de l’actuelle rue du même nom). C’est là que « Monsieur Jean », comme on l’appelait, avait essayé une Bugatti type 57 G à compresseur surnommée « le Tank » qui venait de gagner les 24 Heures du Mans en juin 1939.
A plus de 200 km/h, en tentant d’éviter un cycliste venant en sens inverse, il a percuté un arbre de plein fouet.
Chaque année, les « Enthousiastes Bugatti Alsace » se rendent sur place pour commémorer la mort tragique de Jean Bugatti qui repose au cimetière de Dorlisheim de même que son père Ettore décédé en 1947.
Comme pour le Grand Prix A.C.F. en 1922, la commémoration du centenaire a connu un immense succès populaire, l’intérêt pour les voitures et motos d’époque étant toujours aussi fort. Un grand merci à l’AMISCENT et aux autres associations organisatrices, aux cinq municipalités concernées et à tous les participants qui nous ont permis de vivre des moments inoubliables.
Pierre Friedrichs – Conseiller municipal
- Parmi les documents et ouvrages consultés : Revues, DNA, le Monde illustré et les grands journaux sportifs de l’époque (l’Auto, le Miroir des sports…) – Mémoires du Grand Prix de l’ACF 1922 de l’association Histoire et Patrimoine de Duppigheim